La GTMC en bikepacking, avec Emeline
Émeline a fait la GTMC d’Avallon à Chanac, en Lozère, au cours de l’été 2020, sur 13 jours. Alors qu’elle avait préparé ce séjour avec son compagnon, l’année 2020 et les conditions que vous connaissez sont venues chambouler son projet. C’est finalement seule qu’Émeline est partie faire du VTT en mode bikepacking sur la GTMC, à la recherche d’un défi, oui, mais surtout d’une reconnexion à la nature.
S’il y a bien une chose qui frappe quand on écoute Émeline nous raconter son expérience en solo sur la GTMC, c’est la simplicité. Simplicité dans la préparation, dans le matériel, dans la façon de le vivre. Bref, comme un retour à l’essentiel, avec cette idée que rien n’est impossible, dès l’instant qu’on a envie de le faire.
Est-ce que tu peux nous expliquer ce qui t’a donné envie de faire la GTMC en bikepacking ?
Je suis adepte des sports d’endurance. Je fais de la course à pied et je participe à des semi-marathons. Je fais aussi de la rando et de la natation, toujours en endurance. Et, depuis 2 ans, je fais du cyclisme sur route. Quand j’ai commencé à m’intéresser au vélo, je voulais avoir des conseils pour m’améliorer, des conseils techniques aussi, pour savoir faire les petites réparations comme changer une chambre à air. Alors, je me suis inscrite dans un club. Je roule chaque week-end, et je participe à des courses longue distance.
Ce qui me plaît dans ces sports, c’est le dépassement de soi et le contact avec la nature. Alors, de fil en aiguille, je me suis intéressée au VTT en mode bikepacking.
Et au niveau physique, tu as suivi une préparation particulière ?
À mon sens, d’un point de vue physique, l’essentiel sur un séjour itinérant à VTT comme celui-ci, c’est l’endurance. Il faut être capable de répéter un effort prolongé, et sur plusieurs jours.
Mais, contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas le physique le plus important ici. C’est le mental. C’est lui qui va, en grande partie, conditionner la qualité de votre séjour. Quand le mental est là, le corps suit.
En plus d’être enseignante sport santé, je suis sophrologue. Alors je m’intéresse beaucoup à la place qu’occupent nos pensées et nos croyances limitantes dans notre vie. Travailler auprès de personnes avec un handicap physique ou intellectuel m’a fait réaliser que, pour la plupart d’entre nous, les seules limites sont celles que nous nous fixons. Il est toujours possible de s’adapter, de réajuster son programme. Pour la GTMC, j’ai travaillé sur tous ces « parasites mentaux » et j’ai utilisé des techniques d’imagerie mentale, de visualisation.
C’est pour ça que je vous disais tout à l’heure qu’avoir un objectif en tête est super important.
Je me souviens d’une partie de l’itinéraire dans l’Allier qui était assez monotone. J’étais partie depuis 5-6 jours, j’approchais de la moitié de mon séjour, je sentais la fatigue. Il faisait très chaud, les paysages étaient secs, presque grillés à cause de la sécheresse. Forcément, pas grand monde sur le chemin… Je me suis accrochée à mon objectif, je me voyais atteindre Clermont-Ferrand, et je suis restée motivée !
Comment tu te sentais quelques jours avant de partir ?
C’était un mélange d’excitation et d’appréhension positive. J’avais vraiment hâte d’y être !
Je vis à Lille. Je suis descendue à Sens, chez mes parents, en voiture, et j’ai rejoint Avallon, le point de départ de la GTMC, en train.
Tu n’avais pas peur de la solitude sur le trajet ?
Sur ce genre de séjour, je recherche le calme, la tranquillité. J’aime le fait d’être seule, tout en sachant que, si j’ai besoin, je trouverai facilement du monde pas loin. La GTMC est un itinéraire parfait pour ça. On croise souvent du monde sur le parcours ou dans les villages, des gens très sympas avec qui échanger quelques mots, des conseils, des bons plans.
Il y a quand même un moment où je me suis sentie seule et où j’ai douté. C’est quand je suis passée de Combronde à Volvic, en faisant la liaison GTMC partie 1 avec la GTMC partie 2, sans descendre sur Clermont-Ferrand. La canicule avait laissé place à un temps orageux, et je me suis retrouvée hyper exposée, seule sur la route. Je me demandais si je devais pédaler plus vite ou m’arrêter pour me mettre à l’abri. Quand j’ai vu des éclairs au loin, là où j’allais, mon cerveau est passé en mode ultra vigilance : je regardais la direction des nuages, j’estimais la distance et, à chaque village, je me demandais si je pouvais avancer jusqu’au prochain ou si je devais m’arrêter.
C’était spécial comme sensation, un tiraillement entre confiance en soi et raison. Je n’avais jamais réfléchi à ce que je devais faire en cas d’orage. Je suis du genre à aimer les observer. Mais, quand tu es seule et que tu n’as pas d’abri, tu te demandes ce que tu fais là et ce que tu vas faire, surtout !
Je n’avais pas peur, même si je me suis demandé si ce n’était pas de l’inconscience. J’ai senti qu’au village suivant, il était temps de m’abriter. Et, 2 minutes après, il s’est mis à tomber des cordes et à tonner juste à côté… Je suis restée là pendant plus de 2 heures, en me demandant où j’allais dormir. Sous ce porche, à côté des WC publics à l’odeur nauséabonde ? Demander l’hospitalité ?
Finalement, l’orage est passé. J’ai repris la route en étant perturbée, en me demandant ce que j’aurais dû faire, si je n’avais pas pris trop de risques en continuant d’avancer comme ça. Bref, je ruminais sur ce qui s’était passé, sur le fait que je n’avais pas anticipé un potentiel danger, sur le fait que j’avais finalement décidé d’aller au-delà de Clermont-Ferrand, jusqu’à ce que je tombe sur un autre camarade de GTMC à Volvic. Nous avons bivouaqué ensemble, et ça m’a permis de prendre du recul.
Justement, comment as-tu géré les coups durs ?
J’étais très à l’écoute de moi. Je connais bien mes capacités physiques, donc je savais quand j’avais réellement besoin de faire une pause ou quand c’était le mental qui voulait prendre le dessus. Dans ces moments-là, je trouvais un endroit pour m’arrêter, pour faire une sieste, pour prendre le temps de récupérer.
Et puis j’avais prévu des petites récompenses dans une sacoche : des barres de céréales et des M&M’s ! Bon, dans cette sacoche, j’ai très vite ajouté la Biafine, car le soleil tapait vraiment fort par endroits !
Quelque chose à ne pas négliger pour sa sécurité, c’est la mini trousse de soins. L’avant-dernière journée, j’étais fatiguée et j’avais quitté la trace pour terminer le lendemain au camping de Sainte-Énimie, dans les Gorges du Tarn. J’ai fait une petite pause en laissant mon vélo à la va-vite. Sauf que le pneu arrière a glissé sur les aiguilles de pin, et je me suis pris violemment les dents du boîtier de pédalier dans le tibia… J’étais déjà énervée d’avoir voulu faire au plus court en quittant la trace, car je me retrouvais sur un itinéraire beaucoup moins sympa, avec des routes goudronnées par 38 °C d’après la météo, mais bien plus en ressenti. Alors là, les dents du boîtier dans le tibia, ça m’a calmée ! Eh bien, au milieu de nulle part, enfin si, à l’entrée du Parc national des Cévennes, j’étais contente d’avoir des lingettes désinfectantes, des compresses et une bande.
Ce petit incident a été le signal. Une prise de conscience de ma fatigue, pour que je termine mon aventure à la prochaine étape avec une gare.
Quels souvenirs gardes-tu de ce séjour itinérant ?
C’était excellent, vraiment ! Je suis fière de mon parcours. J’ai plein d’images de paysages magnifiques en tête. Par exemple, j’ai été agréablement surprise par la traversée du Morvan. Je ne connaissais pas du tout, et j’ai trouvé la région très sympa. Des sentiers agréables, vallonnés, accessibles. Et on y mange bien !
On va rentrer dans la partie très pratique maintenant. Quel matériel as-tu emporté ?
Quand j’ai fait mon premier bikepacking dans le Jura, j’avais un VTT semi-rigide, et j’ai pris l’équipement que j’avais sous la main. Comme quoi, pas besoin du matos dernier cri ! Je dirais même que ça m’a permis d’apprécier les investissements que j’ai faits pour la GTMC.
Je faisais en moyenne 1 nuit sur 3 en terrain de camping. Ça me permettait d’avoir un sommeil plus récupérateur qu’en bivouac, d’avoir accès à l’électricité et de pouvoir laver mes vêtements.
Pour l’eau et la nourriture, je n’ai jamais eu de difficultés. La GTMC traverse régulièrement des villages avec des points d’eau et des petits commerces. Mais, en prévention, j’avais toujours sur moi 1 à 2 repas d’avance. Comme ça, en cas d’imprévu sur le parcours ou si jamais je ne trouvais pas de boulangerie ou de points de restauration dans le village, je n’avais pas à me soucier du repas.
Je vous liste en détail l’équipement que j’ai emporté, ça peut vous être utile !
Mon vélo, c’était un Lapierre EDGE SL 627 W, et mon GPS, un Garmin Edge Explore. J’avais aussi prévu les topoguides de la GTMC. Même avec un GPS, je vous conseille vraiment de prendre les topoguides !
L’alimentaire était dispersé dans les différentes sacoches : barres de céréales et fruits secs type dattes, abricots, etc. J’avais aussi 1 sachet Tipiak et 2 boîtes de thon en secours.
Pour l’eau, j’avais 1 poche à eau de 2L et 1 bidon de 750 ml.
Ensuite, pour le quotidien, j’avais 1 démonte-pneu, 1 chambre à air que j’avais fixée sur le cadre, 1 rustine, 1 lampe avant/arrière simple, 1 chargeur, 1 mutitool, 1 minipompe, ½ rouleau de papier toilette, 1 paquet de mouchoirs, 1 couteau, 1 cuillère, 1 popote, 4 épingles à nourrice, du chatterton, 1 coupe-vent blanc ultralight, qui m’a aussi bien aidée pour me protéger du soleil.
Dans ma sacoche arrière de 10L, j’avais 1 tenue de sport de rechange, mon duvet (un Lafuma Active 5°), des tongs, 1 sous-vêtement manches longues et 1 collant pour dormir au chaud.
Dans ma sacoche avant de 8L (1 dry bag), j’avais 1 tenue simple (short, t-shirt, sous-vêtements) et 1 serviette microfibre.
Ma tente Jamet 2 places était maintenue par une sangle qui me servait à étendre mes affaires, le soir.
Sur le cadre, ma sacoche contenait 1 batterie externe, mon téléphone, 1 pastille pour purifier l’eau (je n’ai pas eu à l’utiliser), 1 pochette avec ma carte bancaire, ma carte d’identité, ma carte vitale, un peu d’argent en espèces, 1 barre de céréales, 1 brosse à dents et ½ tube de dentifrice, 1 savon.
Pour le soin, j’avais prévu 1 petite bande, 2 compresses, des lingettes désinfectantes, 2 cachets de paracétamol et 1 couverture de survie.
De mémoire, le VTT avec le chargement complet pesait 16-17 kg.
Pour un prochain séjour itinérant, j’achèterai un matelas format court. Ce n’est pas indispensable, mais c’est un petit plus pour le confort. Je prendrai aussi un tube de crème solaire !
Merci Émeline ! Tu as d’autres défis en préparation ?
Alors, pour la rando, je pense faire prochainement le GR20 et le Tour du Mont-Blanc. Côté cyclisme, je m’entraîne pour les brevets randonneurs mondiaux (BRM) 300. C’est une épreuve à allure libre sur une distance de 300 km, avec 3 à 5 points de contrôle répartis sur le trajet. C’est obligatoire pour les candidats au Paris-Brest-Paris. J’envisage d’y participer en 2023.
Les étapes de la GTMC d’Émeline, d’Avallon à Chanac
- Jour 1 : Avallon / Trinquelin : 55km et 1300m D+
- Jour 2 : Trinquelin / Lac des Settons : 61km et 1000m D+
- Jour 3 : Lac des Settons / Arleuf : 26km et 580m D+
- Jour 4 : Arleuf / La Tagnière : 69km et 1300m D+
- Jour 5 : La Tagnière / Bourbon-Lancy : 57km et 850m D+
- Jour 6 : Bourbon-Lancy / Châtel-de-Neuvre : 113km et 530m D+
- Jour 7 : Châtel-de-Neuvre / Ebreuil : 53km et 680m D+
- Jour 8 : Ebreuil / Volvic : 41km et 940m D+
- Jour 9 : Volvic / Orcival : 51km et 1100m D+
- Jour 10 : Orcival / St-Alyre-ès-Montagne : 64km et 1700m D+
- Jour 11 : St-Alyre-ès-Montagne / Ruynes-en-Margeride : 68km et 1200 D+
- Jour 12 : Ruynes-en-Margeride / Aumont-Aubrac (hors trace officielle): 52km et 870m D+
- Jour 13 : Aumont-Aubrac / Chanac (hors trace officielle) : 35km et 400m D+
Vous souhaitez contacter Émeline et lui poser toutes vos questions pour préparer votre itinérance VTT sur la GTMC ? Rendez-vous sur le site https://sophrosportlille.fr/#Contact
Pour connaître en détail l’itinéraire suivi par Émeline, rendez-vous sur son profil Strava : https://www.strava.com/activities/3890314559